L’avenir du textile français est connecté !

Près d’un siècle après la publication du premier tome des Thibault – vaste cycle littéraire de Roger Martin du Gard, Prix Nobel de littérature 1937 -, la superbe et l’abondance ont, semble-t-il, cédé la place à une certaine dépression au sein des régions, en particulier le Nord et la Picardie, qui faisaient autrefois la gloire de la production française de tissus et d’habillements.

Morose dès la fin des Trente Glorieuses, l’industrie française du textile subit de plein fouet les effets néfastes d’une crise de compétitivité qui contribue à la désindustrialisation, en apparence inexorable, de notre économie.

Une industrie textile française en mauvaise posture

Baisse de l’emploi avec un nombre global de salariés estimé à seulement 100 000 aujourd’hui (contre plus d’1 million au début des années 1980), solde extérieur déficitaire, volume de production inférieur de moitié à celui de l’année 2000… Ces chiffres édifiants poussent à s’interroger sur la pérennité même d’une industrie textile française désormais en mauvaise posture.

Confrontés à la concurrence dévastatrice des pays à bas coût, la bataille semble en grande partie perdue d’avance pour les produits textiles de masse, standardisés et à faible intensité capitalistique. De là à croire que la messe est dite pour le secteur tout entier et que la tertiarisation complète de l’appareil productif français est un processus à la fois inéluctable et souhaitable il n’y a qu’un pas, promptement franchi par certains.

Avec le « smart textile », un véritable « avantage comparatif »

Pourtant, il serait bon de se replonger dans de saines lectures, notamment les écrits de David Ricardo (1772-1823). Au moment même où le monde entier se transformait sous l’effet de la révolution industrielle, l’économiste britannique incitait les nations à se spécialiser dans les domaines pour lesquels elles possèdent un véritable « avantage comparatif » sur les autres États. Et l’avantage comparatif français au 21e siècle réside notamment dans le textile à haute valeur technologique, en particulier le textile connecté, dont le développement constitue l’un des enjeux majeurs de l’internet des objets (IoT), un marché révolutionnaire évalué à 7 100 milliards de dollars à l’horizon 2020 (Source : IDC 2014).

Le « Smart textile », issu de l’alliance entre le textile et les nouvelles technologies du numérique, représente ainsi un formidable relais de croissance pour l’économie hexagonale, tant ses champs d’application sont riches et nombreux, principalement dans les domaines du sport, du bien-être et, bien sûr, de la santé.

Notre pays possède, incontestablement, tous les atouts pour devenir un champion incontournable du textile connecté, à commencer par l’excellence de ses chercheurs, la force et le dynamisme de son réseau de startups et l’importance des dispositifs publics de soutien à l’innovation.

L’avenir du textile médical technologique

Le textile médical technologique, notamment celui utilisé pour le traitement de la maladie veineuse, constitue lui aussi un terrain d’avenir, avec par exemple 10 millions de paires de bas de compression délivrées chaque année en France.

Innothéra, le groupe que j’ai l’honneur de diriger, a ainsi choisi d’investir et de mettre en place un partenariat industriel avec une de ces jeunes entreprises innovantes, BioSerenity. Spécialisée dans les vêtements connectés conçus pour le suivi et le diagnostic des pathologies, cette « pépite » a eu les honneurs récemment d’une visite du Président de la République à l’Institut du Cerveau et de la Moelle Épinière (Pitié-Salpêtrière). Un tel partenariat illustre aussi l’interdépendance entre les ETI et les startups de ce nouveau secteur, qui a également rang de priorité au sein du grand plan de la Nouvelle France Industrielle.

À l’heure où près de 50% du textile produit en France relève déjà de la catégorie « textiles techniques », devrons-nous bientôt crier « le textile est mort, vive le textile connecté » ? Comme en toutes choses, la nuance est ici nécessaire. L’Hexagone conserve un certain nombre de savoir-faire, notamment dans l’habillement de luxe, qui sont peu perméables à cette révolution technologique.

Le futur est donc bien du côté de cette économie de la connaissance qui capitalise à la fois sur la capacité industrielle de nos régions, désormais « creusets » d’innovation, et sur notre aptitude à saisir les opportunités technologiques qui s’offrent à nous. Ne ratons pas ce tournant unique, à même de garantir le maintien des emplois locaux et la place de notre pays aux premiers rangs de la grande compétition mondiale.

Arnaud Gobet
Président d’INNOTHERA

Paru sur L’Usine Nouvelle le 14/07/2016