Table ouverte au banquet de la vie

Pour être grand, ou à tout le moins pleinement ce qu’il est, un poète doit être inspiré, un peintre de talent, un musicien divin, un écrivain engagé, un sportif de haut niveau, un ami fidèle, un serviteur dévoué, un scientifique de génie, un militaire de carrière, un soldat brave, un travailleur consciencieux, un expert reconnu, une femme aimante, un homme honnête, un jeune homme amoureux, une veuve éplorée, un entrepreneur entreprenant, un jeune branché, un disparu regretté …

Quel choix de vertus et qualités dans ce menu si alléchant à la disposition des convives du banquet de la vie que nous sommes tous !

Il n’est pas encore né celui qui cumulerait toutes ces nobles qualités qui honorent l’espèce humaine. Pourrait-il exister ? Trop manger de plats, fussent-ils les mieux apprêtés de la Terre, n’entraine qu’écœurement et indigestion.

Mais il y a là de quoi rassurer les grincheux, les pessimistes et autres misanthropes, qui ne voient dans leurs frères les hommes qu’un ramassis de scélérats, de pervers, et de malhonnêtes.

Certes le monde est également parcouru et labouré par des financiers cupides, des hommes d’affaires retors, des politiciens véreux, des meurtriers sanguinaires, des voleurs sans foi ni loi, des paysans madrés, des vieillards grincheux, des enfants mal élevés, des petits malfrats, des grands bandits.

Et l’on y trouve aussi des poètes maudits, des musiciens conventionnels, des écrivains académiques, des sportifs du dimanche, des amis intéressés, des serviteurs malhonnêtes, des scientifiques au petit pied, des militaires d’opérette, des travailleurs insouciants, des veuves joyeuses, des jeunes déjà vieux. Mais aussi des financiers responsables, des hommes d’affaires passionnés, des politiciens intègres, des paysans philosophes, des vieillards lumineux, des enfants innocents, voire des bandits au grand cœur, des meurtriers malgré eux.

Bref, s’il faut bien de tout pour faire un monde, je prétends que, partout, le blanc l’emporte sur le noir, collectivement et chez tout un chacun ; que si le blanc parfait, pas plus que le noir d’encre, n’existe, le gris que nous offre l’humanité est un joli gris clair, lumineux, bien plus qu’une grisaille triste et morose que les rabat-joie voudraient nous faire accroire.

Mais une couleur ne peut avantageusement luire que si la lumière l’éclaire et la fait vivre. La nuit, tous les chats sont gris, noirs dirais-je plutôt.

Et il faut une belle lumière pour que ce beau gris perlé brille le plus avantageusement de tous ses feux.

Chaque époque a sa lumière, à l’égal des saisons et des jours : et lumière d’un beau jour de printemps sous le soleil vaut infiniment mieux que lumière de Toussaint sous la bruine.

Nul doute que notre époque soit plus printanière qu’automnale, même si le soleil y joue un peu trop à cache-cache avec les nuages …