Que l’eau s’écoule bien, et tout ira bien !

La succession des générations, c’est comme les toits : ils sont en pente, et la tuile du dessus recouvre en partie la tuile du dessous. Ainsi, l’indésirable eau de pluie coule et s’évacue sans pénétrer dans la maison.
Selon que l’on est plus attiré vers la terre ou vers le ciel, on dit que l’on a des racines, ou bien que l’on descend de nos pères et ancêtres. Monter du plus profond de la terre ou descendre de la plus lointaine des étoiles du ciel c’est, dans les deux cas, reconnaître et affirmer que chacun de nous est relié par un lien très fort à ce -et à ceux- qui étaient très loin avant nous.
Reprenons donc la métaphore du toit, appropriée à la conception céleste de nos origines.
L’eau qui s’écoule, si bénéfique pour la terre qu’elle fertilise, mais si néfaste pour la maison qu’elle inonde, peut s’écouler grâce à la pente du toit. L’eau, ce sont les soucis, les impératifs, les besoins, les misères, les malheurs, de toutes sortes et de toutes natures, qui s’abattent sur l’homme, qui font que l’Eden initial n’est qu’un lointain et vague souvenir, pour ne pas dire un mythe. Cette eau qui, certes, « fertilise » notre vie au sens que nous mourrions d’ennui sans elle, mais qui, en permanence, menace d’inonder le pré carré de notre tranquillité et de notre vie intérieure, cet Eden intime de chacun. Ces impératifs et soucis, nous les surmontons et nous en accommodons infiniment mieux que nos ancêtres. Voudriez-vous vivre dans une grotte, mourant de faim, grelottant devant un feu menaçant sans cesse de s’éteindre ? Si telle n’est plus notre vie aujourd’hui, nous ne le devons en rien à nous-même, mais bel et bien à toutes les générations qui nous ont précédé, ces tuiles bienfaisantes qui, du faîte jusqu’à vous, ont su canaliser et évacuer cette eau fatale.
Les tuiles sont en pente et se recouvrent ; d’un tiers environ. Ceci afin que l’eau puisse s’écouler sans jamais pénétrer. 25 ans, environ le tiers d’une vie, c’est le temps nécessaire à l’homme pour apprendre à être homme, ce temps de la jeunesse où la protection bienveillante et attentive des parents et maîtres est vitale. Ainsi mûri et préparé, l’homme peut à son tour prendre sa part à l’évacuation de l’eau et protéger de même la génération qui le suivra.
Ainsi les générations se suivent et la maison reste bien au sec.
Mais pour qu’un toit remplisse bien son office de toit, il y faut deux conditions : que la pente soit suffisante ; que ce soit la tuile supérieure qui recouvre la tuile inférieure.
Si la pente n’est pas suffisante, je veux dire si l’époque doute d’elle-même, n’est pas assurée de sa force, de la légitimité de sa position dans la chaîne des générations, l’eau s’écoule mal, les tuiles gèlent, la mousse s’installe, c’en est fait du toit en quelques années , et la maison prend l’eau…
Si c’est la tuile inférieure qui recouvre la tuile supérieure, je veux dire si c’est la jeunesse, ardente mais inexpérimentée,  qui montre la voie à suivre à un âge mûr plus timoré que sage, l’eau s’engouffre directement dans la maison. Et le pré carré de l’intimité de chacun devient un insalubre bourbier….