Les habitudes, piments de la routine

La routine et les habitudes ; la routine tourne et roule, les habitudes nous habitent et nous habillent.

La routine est nécessaire, à défaut d’être exaltante. Quelle vie n’impose pas de refaire et refaire sans cesse les mêmes choses ? Qui pourrait s’exalter à longueur de vie à cela, sans rapidement périr consumé d’un feu dévorant ? Bienheureuse routine qui nous préserve de ce terrible brasier !

La routine tourne et roule ; sans bruit, sans heurt, tel le train sur la voie. Certes il ne saurait être question de s’échapper un poil de la voie, mais le train avance vite, il est efficace, certes à refaire toujours le même trajet, à la même vitesse, mais il le fait très bien, pour cela justement.

Imaginez un monde sans rails, sans routes… et sans routines. Nous serions tous des explorateurs qui, armés de machette, se tailleraient à longueur de journée une route dans la jungle de la vie, sans cesse incertains du lieu, de la direction, des dangers qui nous guettent… Exaltant peut-être, et pour certains seulement, tout le monde n’a pas une âme d’explorateur, mais épuisant certainement et, au final, bien peu efficace.

Donc la routine roule, et c’est très bien ainsi. Ne dit-on pas que la roue est la plus belle invention de l’homme ? Ne voit-on pas que tout ce qui marche bien dans l’Univers, tourne ou roule, planètes, étoiles, saisons ? C’est généralement dans le recommencement incessant que les choses avancent et se construisent.

Si la routine nous est imposée par la vie, éternellement similaire tous les matins que Dieu fait, les habitudes, elles, nous les prenons de nous-mêmes. Elles nous habitent au plus profond de nous-mêmes et elles forment les habits qui parent cette infinie uniformité que nous offre la routine. Reprenons notre image du train : un long voyage en train que vous devez effectuer tous les jours. Vous n’y avez d’autres occupations possibles que de regarder le paysage : vous le connaissez par cœur bien sûr, vous l’avez observé tant de fois!

L’habitude est une fée bienveillante qui vous permet de trouver malgré tout une certain plaisir à cette observation mille fois répétée…. À moins que votre train ne traverse une plaine désespérément vide et uniforme, le trajet vous offre toujours un certain nombre de points de repère qui jalonnent le parcours : gares, villages, maisons, arbres, que sais-je, que vous avez distingués et qui vous sont sympathiques : vous les trouvez jolis, changeants, amusants…. Ce sont des amis, les vôtres, que vous vous êtes choisis, qui vous adressent un petit clin d’oeil complice lorsque vous passez à leur hauteur. Vous savez qu’ils sont là, que vous les retrouverez, fidèles et bienveillants. Ces amis enjolivent votre parcours : la perspective de les retrouver bientôt meuble agréablement les moments de désœuvrement ou d’ennui, les retrouvailles elles-mêmes sont un moment où un plaisir mille fois déjà éprouvé et bien connu est à coup sûr au rendez-vous.

Ainsi vont les habitudes : ce sont de bons et fidèles amis qui vous accompagnent sur le long chemin de la routine, sur le parcours de la vie et savent vous les rendre attrayants. Les habitudes sont ainsi le piment de la routine.

N’hésitez surtout pas, quoiqu’on vous en dise, à vous faire de tels amis !