Cultivons nos esprits tout autant que nos champs !

La vie est banale, la vie est une routine. Chaque jour qui commence est un sempiternel recommencement. Les mêmes pauvres besoins, les mêmes petits plaisirs, les mêmes multiples et inlassables petits efforts et désagréments. La vie est une plaine immense, plate et étendue jusqu’à l’infini, dont le parcours ne mène qu’à des confins qui promettent infailliblement l’affaiblissement, la dégradation et l’anéantissement.
La vie est exaltante, la vie est une formidable aventure. Chaque jour qui commence offre de nouvelles possibilités de découvertes, d’aventures, d’expériences, de rencontres. La vie est un paysage luxuriant, si riche et si varié que toute une vie jamais ne suffira à en découvrir, explorer toutes les beautés et richesses….
Où est la vérité ? Les deux, mon général !
Car la vie est une femme qu’il faut vouloir et savoir courtiser pour la séduire et en être comblé.
Vouloir vivre, tout d’abord. Magie et mystère que cette passion, cet enthousiasme pour la vie : les uns en sont saisis à bras le corps, les autres simplement menés par la main, d’autres enfin n’en sont qu’effleurés, voire démunis. Affaire d’inné, affaire d’acquis, qui saura jamais, et, au final, qu’importe ? Le carburant de la vie est disponible pour chacun, généreusement ou chichement, selon le hasard des destins de chacun.
Il reste alors à le consommer, à le transformer en énergie utile, à savoir une vie riche, bien remplie, épanouie.
Il y faut, pour ce faire, du savoir. Tous les moteurs ne consomment pas le carburant avec la même puissance, avec la même nervosité. Et j’affirme qu’un des constituants majeurs de cette puissance, de cette nervosité, est la culture. Sans culture, on peut avoir une vie riche et bien remplie. Il est plus problématique qu’elle soit, en outre, épanouie.
La culture, c’est une curiosité positive, jamais assouvie, pour la vie, le monde, les êtres et les choses. De cette curiosité qui, sans cesse, donne envie de savoir, de découvrir, de comprendre, de s’émerveiller.  De faire son miel de tout et de rien, de s’efforcer de considérer les choses sous toutes les coutures, de voir les choses plus en profondeur, de voir de nouvelles choses. Je ne parle pas de ces avides du savoir qui entassent connaissances et expériences, avec cette même dévorante avidité du riche toujours inassouvi de richesses, pour la seule jouissance orgueilleuse et boulimique d’en savoir toujours plus, d’en avoir toujours plus dans sa besace, mais sans rien en faire au final. Je parle de cette culture sage où la seule certitude est que jamais on se saura tout, où l’on va en profondeur aussi loin que l’on peut, avant que d’aller inconsidérément en largeur, où l’on sait qu’il y a tant de choses qu’il est plus utile d’ignorer pour consacrer le peu de temps qui nous est imparti à approfondir ce qui est vraiment utile et enrichissant.
Cette culture qui, face à l’écheveau extraordinairement complexe et si facilement emmêlé de la vie et du monde, aide à le démêler, à mieux discerner les multiples ouvrages qui peuvent en être tissés ; cette culture qui, de la sorte, combat très efficacement intolérance et préjugés, ces deux filles maudites de l’ignorance ; cette culture qui permet  d’entrevoir les nuances, subtilités et différences, là où, sans elle, l’on ne verrait que désolante uniformité. Cette culture qui transforme cette apparente désolante uniformité de la vie en un si riche et luxuriant paysage…
La France est une terre de tradition agricole. Nous avons, pendant des siècles, appris avec succès à cultiver notre bonne terre pour survivre et prospérer. En parallèle, forts de cette prospérité, nous avons appris, avec un art et un talent qui nous sont universellement enviés, à cultiver notre esprit pour en savourer les merveilleux fruits.
Si labourage et pâturage de nos terres ne sont plus les deux mamelles vitales de la France, souhaitons et faisons en sorte que labourage et pâturage de nos esprits le restent longtemps encore….